"Tu viens me voir demain ?
- Je ne pense pas, Deez. Tu as Désiré, et j'ai peu de temps pour moi. Nous nous verrons ce week-end."

Je lui parlais d'une voix douce, comme toujours. Elle était ma protégée, ma petite soeur, un des essentiels de ma vie. Je n'avais été vraiment brusque avec cette jolie brune qu'une seule fois. Je me rappelle parfaitement de ce jour. J'avais l'impression de mourir un peu plus à chaque seconde qui passait, et je l'avais croisé dans Central Park. Elle avait tenu à me parler, et m'avait rattrapée pour m'annoncer sa grossesse quand je lui avais demandé de me laisser seule. Je pense que si elle n'avait pas été là, je n'aurai même pas eu la force de faire semblant d'être pour ce régime; même pas pour sauver mes parents. Mais Deez m'avait annoncé cette nouvelle avec une telle peur dans la voix que je m'étais effondrée. Elle aussi, d'ailleurs. Nous étions restées enlacées pendant de longues minutes avant de pouvoir respirer correctement de nouveau. Je pense pouvoir dire que c'est après l'annonce de sa grossesse que nous nous sommes vraiment rapprochées. Pour elle, et mon filleul - car elle m'avait choisie avec Matthew pour marraine-, je devais me battre, et surtout je devais la soutenir. Pendant un moment, Deez a très mal vécu sa grossesse, et vous n'imaginez pas comme c'était douloureux de la voir pleurer quasiment tous les jours. Dieu seul sait ce qu'elle serait devenu si je n'avais pas été là...

"S'il te plaît...
-December, ma chérie. Tu pourras toujours m'appeler."

Je n'entendis pas de réponse. J'attendis quelques secondes, mais toujours rien. Elle pleurait. Je soupirais. Ses hormones finiraient vraiment par me rendre folle. Mais, je ne supportais pas de la savoir triste, et changeais donc d'avis.

"Bon, je passerai déjeuner avec toi. Mais ne m'attends pas avant 13h, je tourne une émission.
- Merci
- Et ne t'inquiète pas si je ne suis pas à l'heure. Je ne pourrai pas forcément te prévenir si j'ai du retard.
-Promis
-A demain, ma chérie."

***

"Voilà, cette émission est terminée, et je vous dis donc à la semaine prochaine. Longue vie à X."

Les caméras s'éteignent, l'invité de la semaine me sert la main, et se sent obligé d'échanger quelques mots avec moi. Je le salue, et me dirige vers ma loge, mais je ne suis pas prête d'y arriver. Les assistants m'assaillent, sans parler du producteur qui me félicite de mon travail; je sais si bien faire passer le message de X. Hum. Sais-je donc jouer la comédie aussi bien que ça ? Ou peut-être ne veulent-ils seulement voir que ce qui les arrange. Probablement, ça ne m'étonnerait même pas. Je jette un quart d'heure à ma montre; 13h34. J'ai plutôt intérêt à envoyer rapidement un message à December si je ne veux pas la retrouver en larmes. Je n'écoute même plus ce qu'on me dit, et fonce vers ma loge. Aujourd'hui, il n'y aura pas de signature d'autographes à la sortie des studios. Et c'est tant mieux. Je commence sérieusement à en avoir assez d'écrire sur des bouts de papier mon éloge pour X. Ce crétin de X.

"Je pars du studio dans un quart d'heure. Ne t'inquiète pas, ma belle. N'oublie pas que ce n'est pas bon pour mon filleul ! XOXO"

Voilà une bonne chose de faite. Il ne me reste plus qu'à me changer, et je pourrais la rejoindre. Je ne l'ai pas précisé, mais elle m'aide beaucoup aussi. Lorsque je suis avec elle, nous passons des heures à parler de ce petit bébé, à faire du shopping pour lui, et j'oublie tout. Ou plutôt presque tout. Je me fais d'ailleurs réprimander régulièrement par Matthew, et elle parce que je gâte trop ce bébé qui n'est même pas né. Mais il s'agit là d'une question purement pratique. ll lui faut des jeux pour chez sa maman, et chez son papa.
J'enfilais un jean, et un simple t-shirt que je surmontais d'une veste, et me dirigeais rapidement vers la voiture.

***

Arrivée devant l'immeuble, l'agacement qui s'était emparé de moi dans les embouteillages s'estompa. Un sourire naquit sur mes lèvres. Je me demandais quelle idée culinaire aurait traversée la tête de December. Depuis le début de sa grossesse, elle essayait les restes les plus improbables, et imaginables. Et bien évidemment, cela se terminait souvent en commande de pizza. Je montais les escaliers d'un pas pressé, et arrivait à peine essoufflée à leur appartement du second étage. Je frappais, et attendais que December vienne m'ouvrir. Ou peut-être même Désiré après tout. Je n'avais même pas pris la peine de demander si il était là.